PLAIE-IMAGE in RUSES

PLAIE-IMAGE in RUSES

Les images particulières qui me font signe se présentent avec un petit quelque chose de malaisé à définir.  Souvent, elles me semblent porteuses d’une survivance qui demanderait à être mise à jour. Ailleurs, une atmosphère ou un détail anodin m’encouragent à croire qu’il y aurait un reste à excaver. J’ai parfois l’impression de capter l’écho de voix diffuses en attente de migrer vers de nouvelles matérialités, de prendre corps.

Le corpus d’images fondatrices de ma pratique artistique portait sur les représentations  photographiques de l’hystérie féminine, telles qu’élaborées à l’Hôpital de la Salpêtrière, à Paris, au XIXe siècle. J’ai jonglé avec ces documents durant une quinzaine d’années et ce sont eux qui m’ont incitée à développer des manières d’opérer avec lenteur et précaution, à cultiver une attention flottante pour mieux les entendre, à solliciter le déplacement du corps des spectateurs et spectatrices afin de constituer de nouveaux récits. Petit à petit, l’écriture et la vidéo sont venues complexifier et enrichir le dialogue instauré avec ces images .

Au fil des ans, des familles d’images issues de sources multiples ont stimulé la création d’installations axées en grande partie sur la mise en représentation du féminin. Outre les photographies de la Salpêtrière, ces corpus incluaient : des photographies d’explorations polaires, des fragments d’un film de Gregory Bateson et Margaret Mead sur la transe à Bali; des portraits de Thérèse Martin (Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus) captés à différents âges ; les clichés de drapés marocains issus des études du psychiatre et photographe Gaëtan Gatian de Clérambault; plus récemment, des documents promotionnels orphelins, témoignant de la carrière des musiciennes américaines formant le Trio Hilger — Elsa, Greta et Maria.

Chaque corpus d’images, profus et indiscipliné, induit son propre dispositif de présentation. Celui-ci, s’élabore dans un désir d’activer un processus réparateur qui, au mieux, en faisant résonner ces images à travers notre corporéité, nous rendrait plus présents à nous-mêmes et au monde,  En préservant l’ambiguïté constitutive des images qui me font signe, ce processus veillerait à ce qu’elles demeurent actives et ardentes : qu’elles ne cicatrisent jamais.  Paradoxalement, j’associe cette posture à un soin des images.

©Nicole Jolicoeur 


The particular images that draw my attention appear to show a kind of uneasiness, something difficult to define. Often they seem to me to bear remnants of the past that need to be brought up to date. Elsewhere, an insignificant detail or setting leads me to believe that there is more to be uncovered. Sometimes I have the impression of hearing the echo of diffused voices, waiting to migrate towards new materialities, ready to be embodied.

The corpus of images on which my art practice is based concerns photographic representations of female hysteria, such as those produced in the 19th century at Hôpital de la Salpêtrière in Paris. I juggled with these documents for about fifteen years: they are the ones that prompted me to develop ways of working slowly and cautiously, to cultivate a questioning attentiveness to understand them better, to attract the viewers’ body movements in order to create new narratives. Gradually, writing and video were introduced to complexify and enrich my dialogue with these images.

Over the years, families of images from multiple sources have stimulated me to create installations largely focused on representations of women. Besides the Salpêtrière photographs, this corpus includes: photographs of polar explorations; fragments of Gregory Bateson and Margaret Mead’s film on the trance in Bali; various portraits of Thérèse Martin (Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus) taken at different ages; pictures of Moroccan draperies from the studies of psychiatrist and photographer Gaëtan Gatian de Clérambault; and more recently, discarded promotional material, presenting the career of American musicians, Elsa, Greta and Maria, who were the Hilger Trio.

Each corpus of images, profuse and unruly, induces its own presentation device. This develops through my desire to create a restorative process, which, at best, by making the images resonate through our bodies, incites us to be more aware of ourselves and of others. By preserving the ambiguity in the images that attracts my attention, this process will see to it that they remain active and ardent: that they never heal. Paradoxically, I associate this position with the care of the images.

©Nicole Jolicoeur 

Translation: Janet Logan